Accorder à la nature le statut de personne juridique
Au printemps 2021, j’ai déposé conjointement avec mes collègues du Conseil national Anna Giacometti, Jon Pult, Nik Gugger et Beat Flach une initiative parlementaire qui vise […]
Au printemps 2021, j’ai déposé conjointement avec mes collègues du Conseil national Anna Giacometti, Jon Pult, Nik Gugger et Beat Flach une initiative parlementaire qui vise à renforcer la protection de la nature au sein de la Constitution et à octroyer à la nature, partiellement tout au moins, le statut d’entité juridique.
L’idée remonte entre autres à la campagne de l’ONU «Harmony with Nature», une initiative qui exige la reconnaissance des frontières planétaires et un changement de comportement à l’égard de la nature: abandonner le point de vue partial selon quoi la nature est plus ou moins un bien qui n’existe qu’en fonction de ce qu’il peut apporter aux humains et dont les problèmes environnementaux seraient techniquement solubles.
La motivation derrière l’idée d’accorder des droits à la nature est très simple: seul qui a ou ce qui a un statut de personne morale peut faire valoir ses droits et porter plainte. C’est précisément là que se situe la principale différence par rapport à la simple protection de la nature: seul un sujet juridique peut faire valoir ses droits en cas de protection insuffisante.
Certaines voix diront que le droit de recours des organisations autorise déjà une telle démarche juridique. Or ce droit est essentiellement appliqué pour dénoncer des manquements aux devoirs dans le domaine public. La nature étant dépourvue de droits, elle ne peut pas déposer plainte en cas de violation de droit. Et c’est bien là le cœur du problème: la juridiction dispose aujourd’hui d’insuffisamment d’options pour prendre des décisions au profit de la nature.
Ces derniers temps ont été marqués par toute une série de décisions de justice visionnaires prises dans le monde. On s’est par exemple fixé des objectifs plus stricts en matière d’émissions aux Pays-Bas et en Allemagne. Des efforts sont par ailleurs entrepris à l’échelle planétaire pour changer les lois et les constitutions. En Equateur et en Bolivie, la nature est reconnue en tant qu’entité juridique et des lois ont été adoptées en Nouvelle-Zélande pour accorder le statut de personne morale à certaines rivières et forêts, mais aussi à un volcan. L’UE étudie actuellement une proposition allant dans le même sens.
Accorder le droit de se défendre à la nature si elle est détruite est un développement logique du système de droit. C’est aussi un moyen de mieux protéger la nature étant donné que la protection définie constitutionnellement ne suffit pas à permettre à la nature de se régénérer pour continuer à servir de base vitale pour les futures générations.