Qui a peur du loup cultivé?
Le loup est là. Loin d’être passé inaperçu, son retour est même devenu une affaire politique. Tandis que les uns se disent surpris par sa prétendue […]
Le loup est là. Loin d’être passé inaperçu, son retour est même devenu une affaire politique. Tandis que les uns se disent surpris par sa prétendue prolifération fulgurante, d’autres se demandent pourquoi, trente ans après le retour du loup, la plupart des habitats appropriés ne sont toujours pas colonisés par lui. Nous savons en effet aujourd’hui que le loup n’est pas un animal sauvage mais qu’il s’adapte parfaitement au paysage cultivé. La question de savoir s’il peut y trouver sa place a donc été réglée depuis longtemps – le loup la trouve. Quant à se demander si nous lui accordons cette place, la réponse est également là. La Constitution fédérale adoptée par les citoyens interdit l’extermination des espèces animales indigènes. Le parlement a un jour décidé de protéger le loup et l’a confirmé à plusieurs reprises depuis. Et le peuple a rejeté dans les urnes un assouplissement de la protection.
Nul ne conteste que les loups représentent un défi pour l’élevage d’animaux de rente. Les loups sont spécialisés dans la chasse aux biongulés, comme les cerfs, chevreuils et sangliers. Ils contribuent ainsi à la régulation des populations de gibier et soutiennent la chasse, ce dont profitent la forêt et l’agriculture. Cependant, les animaux de rente typiques de la Suisse font eux aussi partie des biongulés et tombent donc dans le schéma du prédateur qu’est le loup. Le conflit est programmé d’avance. Depuis plus de vingt ans, la Confédération encourage donc les mesures de protection des troupeaux, notamment des moutons dans les zones d’alpage. Ces mesures – clôtures et chiens de protection – sont très efficaces à condition d’être appliquées dans les règles de l’art, mais elles occasionnent aussi des frais considérables. Savoir si ces dépenses sont raisonnables et qui les paie fait l’objet de discussions politiques. Le loup étant une espèce protégée par le droit fédéral, la Confédération a l’obligation de compenser les dommages et de financer la protection des troupeaux. Le champ d’application du financement de la protection des troupeaux n’a cessé de s’étendre au cours des dernières années si bien que de nombreuses mesures sont aujourd’hui indemnisées.
Les tirs de loups autorisés par la Confédération et mise en œuvre par les cantons a suscité l’indignation ces derniers mois. Pour la première fois en Suisse, des meutes entières, c’est-à-dire des familles de loups, ont été exterminées. Alors que jusqu’à présent, les loups isolés qui causaient des dommages pouvaient être abattus et les meutes régulées en taille, le Conseil fédéral a autorisé, à partir du 1er décembre 2023, l’abattage de meutes entières, même de celles qui n’ont pratiquement pas causé de dommages. L’exemple le plus extrême est celui d’une meute qui devait être abattue alors que celle-ci n’avait tué que trois moutons en un an. Et ce dans une région où 6000 moutons sont présents en été sur l’alpage, dont une centaine en moyenne meurent pour d’autres raisons. On a perdu le sens de la mesure. Des organisations de protection de la nature ont déposé des recours contre de tels tirs de loups disproportionnés. Ils visent à rétablir une gestion du loup axée sur les objectifs, à savoir empêcher les gros dégâts qui menacent les troupeaux malgré les mesures de protection, sans toutefois mettre la population de loups en danger. Tout simplement comme l’a décidé le parlement.