Existe-t-il un tourisme d’hiver écologique?
Qu’y a-t-il de plus beau que de se balader, skier ou luger dans un paysage fraîchement enneigé sous un soleil éclatant et par un froid glacial? Les vacances d’hiver dans la neige sont-elles toutefois également durables pour l’environnement ou seulement bonnes pour le moral? À la recherche de réponses en trois actes.

Le tourisme en soi n’est pas durable», voilà comment Monika Bandi, codirectrice du centre de recherche sur le tourisme à l’Université de Berne, résume dans WIRinfo 6/2022 le grand dilemme des 20 % de la population mondiale qui ont les moyens de voyager. C’est pourquoi la question de savoir si un tourisme d’hiver écologique existe est en fait d’ordre rhétorique. En revanche, il existe toute une série de réponses fiables à la question portant sur la manière dont le tourisme hivernal est le moins nuisible pour l’environnement.
La majorité des émissions de CO2, été comme hiver, sont générées par les déplacements entre le domicile et la destination, soit entre 70 et 80 %. C’est pourquoi il faudrait autant que possible choisir une destination de vacances pas trop éloignée et accessible avec les transports publics. La durée du séjour est un autre facteur qui pèse lourd dans la consommation de ressources. Les courts séjours engendrent le plus de dépenses, mais celles-ci diminuent proportionnellement en fonction de la durée du séjour.
Pour choisir une destination de vacances d’hiver, le principe de base est le suivant: plus c’est petit, plus c’est durable. Peu de grosses installations, tout au plus quelques téléskis, pistes de ski de fond et chemins pour les randonnées à pied ou en raquettes témoignent généralement d’un lieu de vacances soucieux du développement durable. Si la station renonce de surcroît à la neige artificielle, les joies hivernales durables sont déjà presque parfaites. Car à une époque où le manque d’eau se fait de plus en plus sentir en raison de la fonte des glaciers en montagne, la neige artificielle ne peut en aucun cas être durable, même si elle a été obtenue à partir d’électricité renouvelable. Mais lorsqu’il faut transporter la neige naturelle sur de longues distances pour préparer les pistes en raison de températures trop élevées, les émissions de CO2 augmentent là aussi considérablement. Il est donc préférable de pratiquer les sports d’hiver lorsque suffisamment de neige est tombée et que les températures sont basses.
Plus durable est moins cher
Le choix de l’hébergement est bien sûr un autre point important. Dans le meilleur des cas, les hôtels écologiques garantissent un fonctionnement climatiquement neutre, mais en règle générale, les hébergements collectifs dotés d’une infrastructure simple, comme les maisons des Amis de la Nature et autres cabanes de montagne ainsi que les auberges de jeunesse, sont également un bon choix. Car moins une personne consomme d’espace et d’énergie, plus la consommation de ressources par personne diminue.
Enfin, l’équipement joue lui aussi un rôle essentiel au niveau du bilan global des ressources de vacances d’hiver. Pour une famille de quatre personnes, par exemple, louer au lieu d’acheter ou acheter d’occasion peut déjà représenter une différence considérable en termes de ressources et se traduire par des effets positifs sur le porte-monnaie – tout comme les autres critères de vacances d’hiver durables.
À la recherche de durabilité à Crans-Montana
Sur invitation de Crans-Montana Tourisme, je séjourne trois jours sur place en février 2022 afin de me faire une idée de l’offre de tourisme hivernal écologique dans cette célèbre station valaisanne.
Les Amis de la Nature peuvent passer des vacances d’hiver durables à Crans-Montana, écrit une employée de Crans-Montana Tourisme dans un aimable mail adressé à la rédaction de l’Ami de la Nature, et je suis invitée à me rendre sur place pour me faire sur place une idée de l’offre de la commune. Tournois de golf, courses de Coupe du monde de ski et Russes richissimes, voilà ce que j’associe à ce moment principalement à Crans-Montana – donc absolument rien de durable – et je relève le défi. Un week-end de février en Valais sur les traces du développement durable à la sauce Crans-Montana.
La commune, située à un peu moins de 1500 mètres d’altitude, est confortablement accessible depuis Sierre par le funiculaire. Néanmoins, la plupart des visiteurs viennent en voiture – ce qui explique l’intensité du trafic dans les rues et ruelles étroites. Pour découvrir le Crans-Montana durable, nous sommes d’abord emmenés en voiture, puis en motoneige, à l’extrême nord-ouest de la station. Ici, à Aminona, on avait fermé en 2014 un téléphérique qui transportait les clients vers le domaine skiable offrant 140 km de pistes. Depuis sa mise hors service, la zone du hameau de Colombire, voisine d’Aminona, pratique un développement durable, à l’écart des masses de touristes de Crans-Montana. Loin de ce qui se passe à Aminona où il est prévu de construire un complexe touristique de luxe qui n’a cependant pas encore vu le jour en raison de l’opposition des associations de protection de l’environnement.
Colombire est accessible en été depuis Crans-Montana par le bus (1 changement; gratuit sur l’ensemble du territoire communal, donc très durable). La commune a fait rénover cinq mayens de manière à ce qu’ils conservent plus ou moins leur état d’origine tout en pouvant être habités confortablement par des vacanciers également en hiver. Deux de ces cabanes abritent un écomusée qui recrée la manière de vivre et de travailler des gens à l’époque où les mayens étaient encore exploités comme tels.
La conservation de bâtiments historiques et la visualisation de l’histoire d’un lieu sont incontestablement durables. Colombire séduit cependant aussi par le calme qui prévaut ici. On y pratique explicitement un tourisme doux, en été au cours de balades alléchantes et en hiver avec des randonnées en raquettes et à ski ainsi que la luge.
Le lendemain, une randonnée en raquettes est précisément au programme. Le guide de montagne Patrick Beuché nous montre une partie des bisses qui sont préservés et entretenus sur le territoire communal de Crans-Montana. Sans conteste un acte en faveur du développement durable. De ces réseaux d’eau historiques construits aux XIVe et XVe siècles, plusieurs kilomètres sont encore conservés à Crans-Montana et peuvent être explorés au cours de diverses randonnées.
Calme plat sur le glacier
Nous passons la deuxième nuit dans un hôtel situé au centre de la localité. Avec beaucoup de trafic, d’innombrables restaurants, boutiques de luxe, bars et toutes sortes d’événements et d’animations, l’atmosphère est ici bien différente qu’à Colombire. C’est un peu plus calme sur le chemin des lanternes, très fréquenté, entre les lacs de la Moubra et de l’Etang-Long. Crans-Montana ne manque pas d’imagination pour divertir et amuser ses hôtes 24 heures sur 24. Si l’on recherche le calme, on le trouvera certes lors de randonnées ou de balades en raquettes. En revanche, l’effervescence de Crans-Montana, qui accueille par ailleurs de nombreuses grandes manifestations tout au long de l’année, n’est de toute évidence pas idéale pour qui cherche le calme.
Notre visite s’achève le lendemain matin par une randonnée glaciale mais délicieusement silencieuse sur le glacier de la Plaine-Morte et un repas de midi à la Cabane de Violettes toute proche, une cabane du CAS qui a su conserver le charme des cabanes de montagne et où sont servies des spécialités régionales.
Mon bilan: Crans-Montana s’est vu attribuer le niveau le plus élevé du label Swisstainable en récompense de ses efforts en matière de développement durable. Ces efforts sont non seulement visibles à Colombire, mais aussi dans certains restaurants et hôtels de la station tenus de manière écologique, à travers le label Cité de l’énergie, le bus gratuit et bien d’autres choses encore. Selon mon sentiment, cela n’est toutefois pas compatible avec l’orientation vers une clientèle riche et internationale, le tourisme de ski de masse ainsi que la Coupe du monde de ski et le développement permanent des infrastructures nécessaires, y compris les installations de canons à neige. Un développement véritablement durable signifierait en effet que la commune dans son ensemble devienne neutre en CO2. Or, cet objectif est impossible à atteindre aussi longtemps que, malgré les efforts allant dans le sens du développement durable, on continue à exploiter un type de tourisme extrêmement intensif en CO2.
Ce voyage a été soutenu par Crans-Montana Tourisme.
Level I – Committet
Niveau I – Committet
- signature de l’engagement pour un développement durable
- désignation de la personne ou de l’équipe chargée du développement durable.
- réalisation d’une analyse de durabilité (auto-déclaration) à l’aide du chèque de développement durable
- désignation d’au moins 3 mesures concrètes à mettre en œuvre dans les 24 mois à venir
Niveau II – Engaged
- signature de l’engagement pour un développement durable
- désignation de la personne ou de l’équipe chargée du développement durable
- réalisation d’une analyse de durabilité (auto-déclaration) à l’aide du chèque de développement durable
- présentation d’un certificat externe ou d’une combinaison d’au moins deux certificats d’aspects de durabilité concrètement mis en œuvre
- désignation d’au moins 3 mesures concrètes concernant différents aspects de la durabilité, qui seront mises en œuvre dans les 24 mois à venir
Niveau III – Leading
- signature de l’engagement pour un développement durable
- désignation de la personne ou de l’équipe chargée du développement durable
- documentation du certificat de durabilité reconnu pour le niveau III
«Les certificats sèment la confusion au lieu d’orienter»
Le label de développement durable Swisstainable récemment créé a pour but de rendre le tourisme plus durable dans notre pays. Mais est-ce que cela fonctionne vraiment? Appréciations de Jon Andrea Florin de fairunterwegs, l›ONG qui s›engage pour un tourisme plus durable.
Quels labels de développement durable utilisés en Europe respectent des exigences vraiment strictes et lesquels sont réellement connus?
La première question est de savoir ce qu’on entend par exigences strictes? fairunterwegs applique des critères pour évaluer les certificats. Les trois plus importants sont:
- transparence: les standards et processus de certification sont-ils publics?
- contrôle: est-ce que des personnes externes vérifient le respect des critères et des processus?
- globalité: un label prend-il en compte toutes les dimensions du développement durable, à savoir l’écologie, le social/les conditions de travail, l’économie et la culture?
Même si l’on procède à un criblage selon ces critères stricts, il subsiste une bonne douzaine de certificats rien qu’en Suisse et dans les pays voisins. Les plus connus sont TourCert, EarthCheck, Travelife, Green Destinations. Pourtant, rares sont ceux qui les connaissent. Au niveau mondial, on est même face à une véritable jungle de labels touristiques avec au moins 150 labels de qualité. Il est impossible de s’y retrouver dans la pratique. Les certificats créent ainsi la confusion au lieu d’aider à s’orienter. C’est l’un des problèmes majeurs du tourisme responsable. Une enquête de l’assurance Allianz a révélé que zéro pour cent des personnes interrogées ont indiqué faire attention aux certificats lorsqu’elles réservent un voyage! Cette situation chaotique a pour conséquence que quelqu’un en qui l’on a confiance – par exemple une instance gouvernementale, une université ou une organisation indépendante à but non lucratif – est obligé d’expertiser les labels de qualité et, pour le dire en termes caricaturaux, de certifier les certificats. C’est pourquoi fairunterwegs publie un guide des labels.

Jon Andrea Florin
Directeur général fairunterwegsJon Andrea Florin dirige fairunterwegs depuis trois ans. L’organisation, fondée en 1977 sous le nom de Groupe de travail Tourisme et Développement, se bat pour un tourisme respectueux de l’homme et de l’environnement. Jon Andrea Florin a étudié la sociologie et la gestion d’entreprise et a travaillé dans le commerce équitable, la communication et pour une organisation suisse de développement.
Suisse Tourisme délivre le label Swisstainable depuis 2022 (voir encadré page 13). À quel point ce label de qualité est-il mûr selon vous?
Swisstainable est un tel «label de qualité»: pour le label Swisstainable, on évalue des certificats déjà existants. Les entreprises n’ont ainsi pas besoin de remplir à nouveau des formulaires et de passer des examens de développement durable, opération peu appréciée. Le programme Swisstainable est encadré par la Haute école de Lucerne dont la réputation n’est plus à faire. Fondamentalement, tant le choix des labels que les processus qui y sont associés me convainquent. Leur mise en œuvre me pousse toutefois à ajouter quelques points d’interrogation et d’exclamation. Je relèguerais ainsi quelques labels dans une catégorie inférieure, étant donné qu’ils ne satisfont pas à notre exigence de globalité. On ne sait pas non plus qui supervise la réalisation des mesures annoncées. Il est simplement écrit: «Après deux ans, vous êtes tenu de vérifier si les mesures de durabilité proposées ont été mises en œuvre.» Et, ironie du sort, Suisse Tourisme, qui commercialise le tourisme et Swisstainable, botte en touche sur un point du chèque de durabilité destiné aux entreprises désireuses de devenir swisstainables. Celui-ci est le suivant : «Nous tenons compte dans la prospection du marché de l›impact écologique du voyage, travaillons davantage les marchés de proximité et limitons le cas échéant la part des marchés lointains». Certaines organisations sectorielles s›y opposent avec véhémence.
Le label Swisstainable est divisé en trois parties – suivant l’avancement des efforts. Une telle complexité est-elle encore communicable ou est-ce déjà un pas vers la tromperie?
Oui, trois places sont communicables, même si par exemple les termes or, argent, bronze au lieu de niveau I, II, III seraient plus accessibles. Le défi se situe au niveau I, c’est-à-dire chez les débutants. Ils affirment qu’ils «souhaitent évoluer vers la durabilité». De tels aveux sont comme on le sait vite faits. On constate ici un dilemme pour le label Swisstainable: on veut faciliter l’accès. Mais on risque que certains se contentent du niveau I et n’aillent pas plus loin, comme ce serait pourtant souhaitable. À l’inverse, le label Swisstainable offre à certains clients l’opportunité de se rendre compte que les offres les plus durables ne sont pas forcément plus chères, mais plus authentiques, plus personnelles et plus intéressantes. Je trouve le programme Swisstainable bon sur le fond. Ce qui me paraît plus difficile, c’est la communication d’accompagnement. Le fait que Suisse Tourisme ait publié des annonces pleine page en affirmant que la Suisse était «leader en matière de développement durable» était un peu gros. Après tout, la Suisse fait aussi partie des leaders dans le domaine de l’aviation. Mais c’est une chance: on peut désormais exiger de l’industrie du tourisme qu’elle soit un leader en matière de développement durable.
À quel point est-il judicieux d’attribuer le label Swisstainable le plus élevé à une commune comme Crans-Montana, sous prétexte qu’une partie de la commune est développée de manière durable, si à côté de cela une grande partie de l’activité touristique est tout sauf durable?
À Crans-Montana, on trouve effectivement quelques initiatives formidables qui décrochent à juste titre le plus haut niveau Swisstainable. Le fait que l›on puisse désormais lire sur le site Internet de Crans-Montana : «Nous faisons partie intégrante du programme de développement durable Swisstainable», cela prête à confusion, car ce n›est pas toute la destination qui porte le label, mais seulement l›organisation touristique et quelques prestataires. Les exigences imposées à une destination, donc à une région, sont nettement plus élevées. Actuellement, seule la région du Parc national de Basse-Engadine-Val Müstair remplit les critères respectifs. Cela illustre à petite échelle la problématique de la publicité pour le développement durable: le fait que quelques prestataires, offres et initiatives aient l’air cool et exemplaire en matière de développement durable ne signifie pas pour autant que toute la région, tout le pays, le soit. Cela nous motive d’autant plus à faire évoluer la région et le pays vers le développement durable.