«Les succès communs renforcent le sentiment d’appartenance»
Le terme «association» désigne l’action de réunir de manière durable. Les associations rassemblent des personnes qui partagent le même objectif et cherchent à vivre des expériences communes. Cela paraît à première vue formidable. Pourtant, comme chaque fois que des personnes sont à l’œuvre, des conflits peuvent survenir au sein des associations. Mais ce n’est pas la fin du monde, tant que l’on sait les gérer avec compétence. Marcel Niederer explique dans l’interview comment cela fonctionne.
Faire corps pour une même idée ne signifie pas que tous les membres deviennent identiques, ils sont au contraire peut-être très différents. Une contradiction?
Quelle que soit l’association, chaque membre apprécie de pouvoir vivre pleinement son individualité au sein du groupe. Ce qui compte, c’est de reconnaître l’idée du but commun. Et il faut sans cesse renouveler ensemble cet objectif commun. Cela équivaut plus ou moins au serment scout.
Marcel Niederer
Marcel Niederer est fondateur et gestionnaire, il a été et reste toujours très actif au sein des comités directeurs de diverses associations et a orienté son entreprise de consulting manicon vers le conseil aux organisations à but non lucratif.
Photo: farbenspiele.ch
Comment tenir compte au mieux de la diversité des personnes qui poursuivent un même objectif? Peut-on même y voir un potentiel exploitable?
Ce potentiel est énorme. C’est précisément parce que des personnes aux parcours de vie et professionnels différents se réunissent au sein d’une association et travaillent à un objectif commun qu’il est possible de tirer profit de ces compétences et expériences individuelles. On trouve souvent un plus grand potentiel au sein d’une association que dans une entreprise. Les entreprises regroupent des personnes qui ont suivi une formation professionnelle spécifique. Dans une menuiserie par exemple, tout le monde est menuisier. Une association regroupe toutes sortes de métiers, ce qui constitue une chance énorme.
Parmi eux, il y a aussi des personnes qui souhaitent contribuer davantage par leur savoir. Quelle est la meilleure façon de les intégrer?
Si les experts ne sont pas écoutés au sein d’une association, ils sont frustrés et refusent de participer plus longtemps – ou alors ils deviennent des trouble-fêtes qui ont toujours quelque chose à critiquer. Il est pourtant possible d’utiliser ce potentiel comme une énergie positive. Non pas en les nommant au comité directeur, car leurs connaissances d’experts ne servent généralement à rien au sein du comité directeur, mais en les intégrant par exemple dans un groupe de travail où ils peuvent y faire valoir leur expérience.
Que faut-il prendre en compte dans l’organisation d’un groupe de travail?
Quand on a des groupes de travail, il est important que le comité leur confie des missions pour qu’ils ne se contentent pas de travailler sans but, ce qui serait insatisfaisant. Par ailleurs, quand un groupe de travail ou d’autres membres fournissent ou accomplissent quelque chose, il est important qu’ils bénéficient aussi d’une reconnaissance publique.
Combien de valeurs communes faut-il aux associations pour fonctionner ensemble de manière optimale?
En Suisse, les associations ont en général dans leurs statuts un passage qui stipule qu’elles sont indépendantes ou neutres sur le plan politique et confessionnel. Ainsi, certaines valeurs sont déjà définies. D’un autre côté, chaque association est dotée d’un article définissant ses objectifs. Dans les statuts des Amis de la Nature, par exemple, ceux-ci sont clairement définis (voir encadré, note cs).
Art. 2 Buts
Loisirs, Intérêts
2.1 Les membres de la FSAN, les Amies et Amis de la Nature (AN), sont des personnes intéressées par les questions touchant au sport, à la société, à la culture et à la nature et voulant partager de façon conviviale leur temps libre. Ils visent à encourager l’amitié, l’expérience de la nature et la préservation d’un environnement sain et naturel.
Engagement
2.2 Dans le cadre de leurs activités sportives, les AN s’adonnent principalement aux sports de montagne (y compris les sports de neige et de randonnée) et les sports nautiques (natation, canoë et éventuellement d’autres). La Fédération nationale s’engage dans le domaine de la formation nationale des moniteurs et dans le soutien national et international des sports de montagne et de neige en faveur de la jeunesse. L’exercice des activités de sport des AN doit toujours respecter la flore et la faune.
2.3 Les AN veulent offrir des occasions de rencontre entre des personnes issues de toutes les couches sociales et de tous les milieux culturels. Ils s’adressent également aux personnes vivant en marge de notre société.
2.4 Les AN s’engagent en faveur d’un développement durable et en faveur de la tolérance, des valeurs démocratiques et des droits fondamentaux de l’homme et de la nature.
Que faire lorsque des conflits éclatent au sein d’une association à cause d’une interprétation divergente des valeurs?
Les conflits devraient en principe toujours être résolus par le niveau immédiatement supérieur de la hiérarchie. Ou alors, celui-ci assume le rôle de médiateur. Si le conflit surgit par exemple entre les membres d’une section, c’est donc au comité de la section à intervenir. S’il se déroule entre différentes sections, c’est l’association cantonale – pour autant qu’elle existe – qui est compétente, ou alors la fédération nationale. On peut toutefois se demander si ces personnes compétentes disposent de l’expérience ou de la formation nécessaires pour résoudre un conflit. Il arrive que l’on ait la chance d’avoir dans ses propres rangs un juge ou un spécialiste de la gestion des conflits. Si ce n’est pas le cas, la question se pose de savoir si le centre administratif peut assumer une telle tâche.
Faut-il aussi des règles communes dans une association?
C’est un sujet délicat. Quand on a trop de règles et qu’elles sont trop contraignantes, elles ne sont pas respectées. Il faudrait les limiter à l’essentiel. Les maisons des Amis de la Nature disposent de leur propre règlement interne qui est en général simple et clair. Mais il faut aussi comprendre pourquoi une règle particulière s’impose. Il s’agit de faire en sorte que la maison puisse être transmise proprement aux occupants suivants. Ces règles tiennent généralement sur une feuille A4. Les règles relatives aux standards de comportement sont plus difficiles à définir par écrit. Avant tout, il faut s’appliquer à les formuler de manière positive. Tels que les buts des Amis de la Nature sont formulés dans leurs statuts, aux points 2.3 et 2.4, ils permettent d’en déduire des règles claires sur une bonne base.
Les communautés fonctionnent le mieux lorsque le sentiment d’appartenance est intense. Comment le réactiver s’il s’est quelque peu estompé au fil du temps?
Les succès collectifs renforcent le sentiment d’appartenance. Quand on les a remportés et quand on les célèbre par exemple. Car il ne faut pas seulement les avoir, mais aussi les fêter. Le plus souvent, nous sommes trop modestes en Suisse pour reconnaître un succès, même s’il ne s’agit que d’une avancée transitoire. Il est justement essentiel de fêter les succès immédiatement. Un peu comme on savoure le verre du sommet en haut de la montagne et non pas seulement le soir de retour dans la vallée.
Qu’est-ce qu’un succès pour une association?
Pour les Amis de la Nature, chaque randonnée accomplie est un succès, de même que tout ce qui a été rénové ou agrémenté dans les maisons est un succès. Ce sont de petits exploits, mais des exploits qui entrent dans le cadre de ce que fait une association. Dans le rapport annuel, on mentionne aussi tout ce qui a été réalisé. Il y a de quoi en être fier. Mieux encore: ces succès devraient être à l’avenir mis en avant. Mais pour pouvoir en rendre compte, il faudrait que les sections nous informent de leurs succès – surtout s’il s’agit d’activités spéciales, comme par exemple une randonnée en compagnie de personnes handicapées.